Entretien avec Eric Freyburger, élu au CSEC de Renault Trucks et délégué national confédéral CFE-CGC
En annonçant sa volonté de se séparer de 4 100 salariés, Volvo n’a pas fait dans la dentelle. Dans ce projet, 463 suppressions de postes concernent la filiale Renault Trucks rachetée par le Suédois à Renault en 2001. Un total atténué par l’intégration au sein de Renault Trucks d’une centaine de consultants actuellement sous contrat avec la filiale défense du constructeur, la société Arquus. Eric Freyburger, élu CFE-CGC au comité social et économique central (CSEC) de Renault Trucks et délégué national confédéral, analyse la situation.
La CFE-CGC a réagi aux annonces de la direction en publiant un communiqué le 16 juin dernier. Depuis, y a-t-il eu de grandes évolutions ?
Il a été annoncé qu’en France, nous allions travailler dans cadre légal de la rupture conventionnelle collective (RCC). Les négociations démarreront le 2 septembre et se tiendront a priori jusqu’en novembre, l’appel au volontariat se faisant début 2021. On sait aussi que l’effectif de référence pris en compte pour comptabiliser les réductions de poste est celui du 31 mai 2020.
Êtes-vous vent debout contre le plan annoncé ?
Il faut avoir en tête que l’entreprise a fait un plan social en 2014, un autre en 2015 et un troisième en 2016 ! Nous avons fait annuler celui de 2016, mais ceux de 2014 et de 2015 ont entraîné le départ de 1 100 personnes : nous étions donc sur une échelle plus importante. En outre, ce n’est qu’en France que les futurs départs se feront sur la base du volontariat. Une RCC pour les salariés est moins traumatisante qu’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Quand un PSE se produit, il faut ensuite deux ou trois ans pour rétablir la confiance, pour dissiper le sentiment de fragilité des salariés qui ont pu se sentir menacés. Nous sommes très mécontents de la réduction d’effectif et je suis très loin de me réjouir de cette RCC, mais dans ce type de dispositif il n’y a que des volontaires, alors que dans le cadre d’un PSE, il peut y avoir des licenciements économiques, ce qui n’est pas tout à fait pareil.
Pour quelqu’un qui prévoirait de quitter Renault Trucks en 2021, une RCC est-elle plus intéressante qu’une autre forme de départ ?
Il y a en moyenne 140 techniciens et cadres qui s’en vont tous les ans de Renault Trucks pour diverses raisons (démissions, formations longues, départs en retraite, mutations dans d’autres filiales à l’étranger, etc.). Dans une RCC, si vous êtes dans le cas de figure de la retraite par exemple, vous ne partez pas dans les conditions de la retraite mais dans celles d’un licenciement, donc vous touchez des indemnités supérieures et défiscalisées. Pour le reste, cela va être à nous de négocier des mesures d’accompagnement : rachats de trimestres pour ceux à qui il en manquerait, bonus supplémentaire incitatif, etc. Cela fait partir des mesures sur lesquelles nous allons négocier. Et nous continuerons à nous battre pour réduire le nombre de suppressions de postes.
Comment voyez-vous le problème des reclassements et des reconversions internes ?
Le point compliqué, c’est que nous sommes dans une crise qui ne va pas concerner que Renault Trucks. Beaucoup d’entreprises industrielles « dégraissent ». Par conséquent, retrouver du travail dans l’industrie va être difficile dans les temps qui viennent. Cela dépendra bien sûr des profils. Dans le plan de la direction, il y 21 postes supprimés aux achats. Je pense qu’un acheteur formé chez Volvo, parlant parfaitement anglais, sachant négocier à l’international, retrouvera du boulot. Cela dépendra aussi beaucoup de la capacité de certains à vouloir se dire : « Je change de métier à l’intérieur de l’entreprise. »
Quel est votre programme d’actions sur ce dossier ?
Nous avons commencé fin juin à former nos élus à la RCC avec l’aide du cabinet Secafi. Nous avons également fait accélérer la fin des formations commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) pour les élus qui ne les avaient pas suivies et nous avons programmé pour début juillet une formation sur l’accompagnement aux risques sociaux et à l’accompagnement des personnes. Sur un sujet comme celui-ci, il est absolument indispensable d’anticiper en se formant : on sait que les salariés vont venir nous voir en nous demandant de l’aide et des explications. Autrement dit, nous devons travailler avec les DS et les DSC sur toutes les modalités du plan, sur les secteurs concernés, etc. C’est ce qui nous permettra de négocier dans des conditions qui tiennent la route. Dans ce cadre-là, d’ailleurs, le Guide de la RCC et le Guide de la rupture conventionnelle de la CFE-CGC constituent de très bonnes bases de travail.
Vous vous préparez donc à un été studieux…
Le message à faire passer c’est qu’il est indispensable d’anticiper. Et aussi de faire un gros travail sur le terrain en amont. La négociation formelle se fait en « journées de théâtre ». Mais les vrais messages et les points-clés doivent être réglés au préalable « en off » avec la direction.
Propos recueillis par Gilles Lockhart