Prévention primaire, responsabilités de l’employeur, risques professionnels, QVCT… L’accord signé entre partenaires sociaux, qui doit désormais être transposé via une proposition de loi, comporte plusieurs avancées.
Après consultation de ses instances le 6 janvier, la CFE-CGC a annoncé être signataire de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la santé au travail auquel étaient parvenus, le 10 décembre dernier, les organisations syndicales représentatives et leurs homologues patronales au terme d’une longue et intense négociation débutée en juin 2020 et conduite, pour la CFE-CGC, par Mireille Dispot, secrétaire nationale en charge de l’égalité des chances et de la santé au travail À l’instar du nouvel ANI conclu fin 2020 sur le télétravail et dont le dernier texte remontait à 2005, les partenaires sociaux ont réussi à finaliser un nouvel accord référent sur la santé au travail dont le dernier ANI datait de 2007.
« Cet ANI est une première étape d’une réforme plus large, puisque la santé au travail est d’ordre public, rappelle Mireille Dispot. L’accord ancre la prévention primaire avancée, renforce la prévention des risques (y compris dans le cadre de l’organisation du travail) tels que les risques psychosociaux, et réaffirme la responsabilité des employeurs. Certains outils sont renforcés ou créés, comme le passeport prévention, et surtout, l’architecture de l’ANI élimine le fonctionnement en électrons libres des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI). »
DES AVANCÉES SUR LA PRÉVENTION DES RISQUES ET LE SUIVI DES SALARIÉS EXPOSÉS
Ce nouvel accord intervient deux ans après la remise, en août 2018, du rapport de la députée Charlotte Lecocq (LREM), lequel préconisait une réorganisation complète des acteurs de la santé au travail. Salué par le gouvernement, le nouvel accord national interprofessionnel conclu entre partenaires sociaux, qui doit désormais être transposé via une proposition de loi, introduit plusieurs avancées sur la prévention des risques et le suivi des salariés exposés. Le texte :
– renforce l’approche préventive de la santé au travail et la traçabilité collective de l’exposition aux risques professionnels ;
– souligne l’importance de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) comme facteur de santé individuel pour les salariés et comme facteur de performance pour l’entreprise ;
– réaffirme l’importance d’une politique active de prévention de la désinsertion professionnelle.
Dans le détail, l’ANI propose notamment une « offre socle » pour les services de santé au travail (SST) qui deviennent des services de prévention et de santé au travail (SPST) axés sur trois missions : la prévention, le suivi médical et la prévention de la désinsertion professionnelle pour favoriser le maintien en emploi des salariés ayant été touchés par des problèmes de santé.
En matière de prévention primaire (actions mises en œuvre par les entreprises pour lutter contre les risques professionnels), l’ANI stipule que le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) reste l’outil essentiel d’évaluation des risques professionnels et de la traçabilité des expositions. La CFE-CGC a en particulier obtenu que le salarié puisse faire la demande d’un extrait du DUERP après être sorti de l’entreprise, notamment pour l’aider à constituer un dossier de maladie professionnelle le cas échéant.
Le texte liste les risques professionnels parmi lesquels les risques « classiques » : physiques, chimiques, biologiques, les contraintes liées à des situations de travail (entreprises extérieures, entreprises utilisatrices), les risques d’accidents. Les partenaires sociaux rappellent que la prévention des risques professionnels recouvre aussi l’usure professionnelle, les troubles musculo-squelettiques (TMS) ou encore les risques induits par les modifications en lien avec l’organisation du travail : méthodes de travail, techniques, fonctions des managers…
S’agissant des troubles psychosociaux, l’accord stipule que « l’employeur se doit d’évaluer et de mettre en place les actions de prévention, et de respecter strictement la vie privée du salarié ».
INTRONISATION DE LA QUALITÉ DE VIE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL (QVCT)
Au sujet de la qualité de vie au travail (QVT), qui fait partie des thématiques de négociations obligatoires prévues par le Code du travail, le nouvel accord propose que l’approche traditionnelle soit revue pour intégrer la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT). Ses objectifs doivent notamment porter sur la conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle, sur les conditions d’exercice du travail (instances de représentation du personnel, management, moyens, relations interpersonnelles et collectifs du travail), sur l’utilité et le sens du travail, sur les transformations rapides du travail et sur la mobilisation de modalités d’organisation du travail (exemple : le télétravail).
L’ANI propose par ailleurs une évolution majeure quant à la mission de suivi de l’état de santé des salariés. Ainsi, l’accord prévoit un transfert d’une partie du suivi médical des salariés, la visite d’information et de prévention, vers les médecins « de ville ». Cela ne concerne que les visites d’embauche, périodiques et de reprise du travail sans aménagement de poste des salariés ne présentant pas de risque particulier. Autres préconisations : la création d’une commission paritaire dédiée à la santé et à la sécurité au travail au sein des branches professionnelles, et la création, dans le cadre du comité social et économique (CSE), d’une commission sécurité et santé au travail dans les entreprises de moins de 300 salariés.
Notons enfin qu’à la demande de l’ensemble des organisations syndicales, la durée de la formation en santé et sécurité bénéficiant aux élus du CSE et de la CSSCT (commission de santé, sécurité et conditions de travail) a été augmentée. L’ANI porte cette formation à cinq jours lors du premier mandat des élus, qu’ils soient CSE ou CSSCT.
Mathieu Bahuet