Un an après le début de la pandémie et à l’approche de la journée internationale des droits des femmes, le Boston Consulting Group (BCG) dévoile les résultats de son enquête réalisée avec l’Institut Ipsos sur l’impact de la pandémie sur les salariés français et leurs perspectives de carrières.
Intitulée Crise de la COVID-19 : un retour en arrière pour la parité hommes-femmes au travail ?, cette étude inédite, réalisée auprès de 2 000 salariés français, répond à plusieurs questions clés :
► Quelles sont les conséquences de cette crise sur les conditions de travail, les motivations professionnelles et l’engagement des salariés ? 33% d’entre eux considèrent que la pandémie a des conséquences négatives sur leurs perspectives de carrières ;
► A-t-elle accentué les inégalités hommes-femmes au travail ? Les talents féminins, particulièrement fragilisés, vivent-ils un retour vers le passé ? Seules 60% des femmes ont confiance en leur avenir professionnel, soit 15% de moins que les hommes ;
► Quelles actions doivent mener les entreprises pour limiter les effets négatifs de cette nouvelle réalité professionnelle ? 60% des femmes et 40% des hommes qui ont réduit leurs horaires de travail appréhendent un retour aux horaires d’avant crise.
La crise sanitaire a fortement impacté les trajectoires professionnelles …
La crise affecte la performance et menace l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle de l’ensemble des salariés. A court terme, 33% d’entre eux considèrent que l’épidémie a des conséquences négatives sur leurs perspectives de carrière (promotion, mutation, etc).Plus d’un tiers déclarent que la crise sanitaire a diminué leur performance au travail, limitant les capacités de travail et le renforcement des compétences (28% pensent même qu’elle a eu des conséquences négatives en la matière).
De fait, la modification des modes de travail et la généralisation du télétravail (pour 60% des salariés) a affaibli et brouillé davantage les frontières entre temps privé et temps professionnel. Par rapport à avant la crise, 31% des salariés travaillent plus souvent le soir tard ou le week-end.
Il est donc devenu plus difficile pour les salariés de séparer les moments de travail des moments de vie privée. La situation impose à tous un rééquilibrage et davantage d’efforts sur le plan domestique, au détriment de leur temps libre : depuis le début de la crise, 50% des salariés effectuent davantage de tâches domestiques alors même que 41% déclarent avoir moins de temps pour eux.
.. Et le moral des salariés français
La crise dans son ensemble et la généralisation du travail à distance ont eu un fort impact sur la santé mentale des salariés français : 70% se trouvent fréquemment en situation d’anxiété.
La moitié des salariés se sent davantage isolé de ses collègues et 32% déclarent sentir des signes de mal-être sur le plan personnel.
Quelles en sont les conséquences à long terme ? Cela laisse présager un risque de décrochage professionnel pour une partie des salariés : 50% d’entre eux envisagent de réduire leur investissement dans leur travail, en donnant davantage de place à leur vie personnelle. Plus d’un sur cinq envisage même de faire une pause professionnelle, en arrêtant de travailler pendant un temps.
Les talents féminins plus durement touchés par la crise
La crise impacte l’ensemble des salariés, mais affecte plus durement les femmes.Dans le secteur privé, seules 60% des femmes ont confiance en leur avenir professionnel, soit 15% de moins que les hommes.
Comment cela s’illustre dans leur quotidien au travail ? Par rapport à leurs collègues masculins, elles sont 13% de moins à avoir entretenu leur réseau professionnel depuis le début de la crise, et 29% de moins à avoir pris la parole en réunion. Par ailleurs, elle se sentent davantage isolées de leurs collègues.
La généralisation du télétravail n’a pas que des vertus et tend en effet à creuser davantage les inégalités entre hommes et femmes. Elles sont 1,3 fois moins nombreuses que les hommes à disposer d’un espace isolé et ont 1,5 fois plus de risques d’être fréquemment interrompues lorsqu’elles télétravaillent.
La charge mentale est l’une des conséquences sans précédent de cette réorganisation du travail. A la maison, les hommes en font certes plus depuis la crise, ce qui laisse espérer une transition vers un “nouvel équilibre” à plus long terme. Mais, même si l’augmentation des tâches domestiques et le temps consacré aux enfants concernent tous les parents salariés, les femmes portent toujours le plus gros du poids. Cette difficile conciliation vie professionnelle et personnelle pèse davantage sur la santé mentale des femmes : elles sont 1,3 fois plus susceptibles d’être en situation d’anxiété.
« Le modèle 100% à distance a ses limites et l’évolution des modes de travail post crise doit tenir compte de l’impact sur la diversité et les talents féminins. La crise a révélé et creusé davantage l’écart entre hommes et femmes dans la vie professionnelle. Alors comment s’assurer que les femmes cadres entre 25 et 40 ans ne soient pas une génération perdue ? Sans prise de conscience de la part des entreprises et de la société, sans attention particulière portée à l’accompagnement de carrière des femmes, on risque de ne pas sortir par le haut de la crise. » déclare Jessica Apotheker, Directrice associée au BCG et responsable de l’initiative Women@BCG au sein du bureau parisien.
Quelle nouvelle réalité pour les entreprises ? Quelles actions doivent-être menées ?
Un “retour à la normale” professionnel est difficilement imaginable pour certains salariés et particulièrement les femmes : 60% des femmes qui ont réduit leurs horaires appréhendent un retour aux horaires d’avant crise, contre 40% des hommes.
Comment réagissent les entreprises dans ce contexte ? Si l’on compare à la situation pré-crise, Près de 50% des managers ont fait en sorte d’échanger davantage avec leurs équipes. 25% des salariés perçoivent une amélioration dans la relation avec leur manager. Mais cela est loin d’être suffisant.
Une prise de conscience forte aussi bien au niveau des entreprises qu’au niveau sociétal est essentielle pour prévenir les risques psychosociaux et décrochages professionnels, et particulièrement des talents féminins.
« Limiter les risques à long terme de cette nouvelle réalité du travail est crucial pour les entreprises. Elles doivent impérativement mettre en place des mesures concrètes et fortes d’accompagnement pour ne pas laisser de côté une partie des talents – particulièrement les talents féminins. De nombreuses questions se posent quant à l’avenir de l’organisation du travail : quels nouveaux modes de fonctionnement conserver et adopter ? Lesquels bannir ? Comment épauler et accompagner au mieux les salariés alors que beaucoup n’ont plus le même regard sur leurs perspectives de carrière ? » détaille Gwenhaël Le Boulay, Directeur associé senior au BCG.
Méthodologie
Le BCG a réalisé cette enquête avec Ipsos. 2002 salariés français travaillant habituellement en bureau ont été sondés, dont 1001 hommes et 1001 femmes, appartenant au secteur public comme privé (quotas définis à partir d’un échantillon représentatif de salariés).