ACCORD – Syndicats et patronat planchent depuis juin sur un texte à peine amendé au bout de dix séances, qui vise à mettre la prévention au cœur du sujet.
Déresponsabilisation des employeurs, minimisation des risques psychosociaux (burn-out, dépression, suicide…), médecine du travail réduite à peau de chagrin… Les partenaires sociaux sont entrés dans la « phase finale » des négociations sur la santé au travail, des points de blocage perdurent sur des sujets majeurs, réduisant fortement les chances d’aboutir à un accord.
Le texte « prend forme » et les parties vont « faire en sorte d’arriver à converger », a déclaré Diane Deperrois, cheffe de file des négociateurs du Medef, à l’issue d’une séance tardive de négociations « entrées dans leur phase finale », ce mercredi.
« On va vers un accord sans droits nouveaux »
Mais les syndicats dénoncent toujours des « lignes rouges » infranchissables, tandis que le négociateur de la CPME, Eric Chevée, a dit sa « colère » jeudi, après avoir « passé sept heures en réunion pour s’entendre dire que le texte était nul et qu’il fallait revoir la copie ». « Chacun devra prendre ses responsabilités demain ! », a-t-il lancé, « très dubitatif sur la fin des négociations » que le calendrier prévoyait conclusives vendredi. Syndicats et patronat planchent depuis juin sur un texte à peine amendé au bout de dix séances, qui vise à mettre la prévention au cœur du sujet.
Il doit permettre d’aboutir à la conclusion d’un accord national interprofessionnel (ANI) à l’instar de celui sur le télétravail. « Le patronat accepte des modifications sur la forme mais pas sur le fond, il reste pour l’instant sur sa volonté de se déresponsabiliser légalement et veut garder la mainmise sur les services de santé au travail (SST) comme un outil à son service. On va vers un accord sans droits nouveaux à coût zéro comme pour le télétravail », a déploré Jérôme Vivenza (CGT), dont le syndicat n’a pas signé l’ANI sur le télétravail.
Médecin du travail, CSSCT et responsabilité
« On n’a pas vraiment avancé », dit Mireille Dispot (CFE-CGC), qui doute aussi d’une conclusion vendredi. « Un point de crispation très fort demeure », explique-t-elle à l’instar des autres syndicats : la volonté « d’exonérer les employeurs de leur responsabilité » légale à l’égard de la santé et de la sécurité de leurs salariés en la réduisant à leur simple adhésion aux SST (ce dont ils ont déjà l’obligation). Le Code du travail oblige pourtant les employeurs à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour protéger leurs salariés, faute de quoi leurs responsabilités civile et pénale peuvent être engagées. « Même reformulé, le texte transpire encore de cette notion » de déresponsabilisation, confirme Serge Legagnoa (FO)
Diane Deperrois (Medef) « s’inscrit en faux » face à cette critique, estimant qu’« à partir du moment où les employeurs investissent dans les moyens de prévention (…) il est normal qu’ils se demandent comment leurs efforts pourraient être reconnus ». « Nous n’avons aucune réponse concrète à nos questions, notamment sur le rôle du médecin du travail qui semble être réduit au suivi médical mais exclu de la prévention », souligne Serge Legagnoa, qui note « quelques avancées » mais « encore trop imprécises » : la création d’une commission dédiée à la santé au travail au niveau des branches professionnelles et la possibilité de commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) dans les entreprises à partir de 50 salariés contre 300 actuellement.
« Organisation du travail ou charge de travail, ce sont clairement des gros mots »
Côté RPS aussi les « divergences » sont fortes. Les risques psychosociaux sont inscrits dans le texte mais avec la notion de « risques multifactoriels » les reliant à des causes extérieures aux organisations du travail, ce que dénoncent les syndicats. « Organisation du travail ou charge de travail, ce sont clairement des gros mots », dit Mireille Dispot, qui « ne (signera) pas un accord au rabais ».
Autre point noir face à la pénurie des médecins du travail : le transfert de leurs missions à des médecins généralistes sur la base du volontariat, une mesure « incompréhensible » pour les syndicats, et « qui demande une clarification dans un contexte de pénurie des acteurs de la santé », selon Diane Deperrois (Medef). Côté gouvernance, les organisations syndicales refusent enfin la suppression envisagée de la commission de contrôle des services de santé au travail dirigés par les employeurs, commission qu’ils dirigent et à laquelle se cantonnent leurs prérogatives. Faute d’accord, le gouvernement devrait se charger de légiférer. Un projet de loi, porté par la députée LREM Charlotte Lecocq, doit être déposé à l’Assemblée d’ici la fin de l’année.
20 Minutes avec AFP