Comment agir efficacement contre la dégradation de la santé mentale des salariés?

Comment agir efficacement contre la dégradation de la santé mentale des salariés?

Extrait du magazine “Trait d’Union” de SECAFI groupe Alpha – Février 2022

18% des Français présenteraient des signes de troubles dépressifs et 23% un état anxieux : le constat posé par Santé publique France* dans sa dernière étude disponible est plus que préoccupant. Des niveaux qui représentent des hausses significatives, de respectivement, +8 et +9 points par rapport au niveau hors épidémie. Cet état général s’accompagne de plus en plus d’une fatigue et d’une lassitude des équipes, tant opérationnelles que fonctionnelles, avec un pic particulièrement élevé chez les fonctions RH.

*Enquête CoviPrev, France métropolitaine, décembre 2021.


Ces sentiments conduisent à un désengagement du travail pour beaucoup et cela se constate très largement sur l’ensemble de la planète avec des vocables particulièrement forts, comme aux États-Unis où l’on parle de grande démission. Depuis plusieurs mois, les syndicats, comme les DRH, tirent la sonnette d’alarme pour que le sujet de la santé mentale des salariés soit l’occasion de repenser très profondément les organisations du travail et de s’interroger sur les moyens mis à la disposition des acteurs de l’entreprise pour mieux prévenir les effets de la pandémie. Et, plus largement, il convient de réfléchir aux conséquences, latentes depuis plusieurs années, des transformations antérieures à la pandémie, notamment numériques et environnementales, menées à un rythme parfois peu soutenable. En réalité, la crise sanitaire apparaît comme un accélérateur de beaucoup de maux constatés auparavant. « Il est sans doute temps de se poser les bonnes questions et de dresser un diagnostic complet des défis que les entreprises, les salariés et leurs représentants ont eu à gérer ces dernières années et d’aller au-delà de la seule question du télétravail », confirme François Cochet, Directeur des activités Santé au travail chez Secafi. Le bouleversement du monde du travail, illustré trop souvent, et à tort, par le seul déploiement du télétravail, est considérable. « Les travailleurs de la « première ligne », ceux dont les tâches ne sont pas télétravaillables, doivent supporter le masque toute la journée et respecter les gestes barrières. Mais l’attention se porte sur la négociation du télétravail des autres, perçus alors comme des privilégiés. Et parmi ceux qui doivent télétravailler, les dissentions sont fortes. Les fractures entre les différentes populations au travail sont aujourd’hui
béantes. Les partenaires sociaux doivent
s’emparer de ces sujets nouveaux mais ils sont souvent démunis ».

Souvent mis en œuvre de façon d’abord chaotique, le télétravail est perçu par beaucoup de salariés comme un remède à des conditions de travail qu’ils jugent de moins en moins supportables. Mais « en se prolongeant, comme c’est le cas depuis deux ans, constate l’expert, il peut devenir un vecteur d’isolement et, à terme, de souffrance ». C’est cet effet encore peu visible qui creuse l’écart entre les salariés et qui conduit peu à peu à de véritables tensions.

Il est sans doute temps de se poser les bonnes questions et de dresser un diagnostic complet
des défis que les entreprises, les salariés et leurs
représentants ont eu à gérer ces dernières années
et d’aller au-delà
de la seule question
du télétravail.

« D’où l’importance d’avancer en termes de prévention, en s’appuyant sur les données dont on dispose mais en allant au-delà des chiffres, car les entreprises doivent se préoccuper des groupes pour lesquels il ne peut y avoir de télétravail et de ceux, peu audibles, qui ne veulent pas faire de télétravail », constate Hélène Warein, consultante Secafi. Il convient de redéfinir des temps collectifs en entreprise pour recréer du

lien, ré-apprendre à connaître les salariés et à mieux appréhender leurs atouts et faiblesses et « éviter de créer des situations de conflits entre les exclus et les privilégiés du télétravail ! », alerte l’experte. Depuis la disparition des CHSCT, les salariés, pour les deux-tiers d’entre eux, n’ont plus d’interlocuteur de voisinage. Le délégué du personnel, relais indispensable en situation d’écoute de ses collègues et acteur indispensable de ces temps de partage, d’expression et de respiration, n’a pas été remplacé par le représentant de proximité prévu par les ordonnances mais non obligatoire. « Son absence pour percevoir et faire remonter les souffrances devient un sujet en soi, confirme Hélène Warein. Certes, les CSE, dans la plupart des entreprises, ont su se saisir à bras-lecorps des sujets de santé pendant la pandémie mais, hors la gestion pure de la crise du Covid, combien d’autres sujets de santé sont-ils passés au second plan ? » Avec quels risques pour la santé mentale des salariés ? Le retour au bureau, après le 2 février et la levée du télétravail obligatoire, doit être l’occasion de poser tous ces sujets sur la table. À l’approche de nouvelles élections professionnelles, il est pertinent de faire un bilan du fonctionnement des instances, voire de demander la renégociation des accords de dialogue social. Il faut imaginer de meilleurs dispositifs, « au premier rang desquels la création de représentants de proximité partout où cela est possible, avec une vraie réflexion sur leur coordination avec les managers, car, dans un cas comme dans l’autre, plus les uns et les autres ont des marges de manœuvre en matière de
prévention, plus les équipes se portent bien », commente François Cochet. Avec, comme souvent, une réflexion d’ensemble sur les moyens donnés aux acteurs de la prévention pour se former sur ces sujets essentiels.

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