Les partenaires sociaux vont engager des travaux sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Secrétaire nationale CFE-CGC à l’Égalité des chances et santé au travail, Mireille Dispot en détaille les enjeux.
Signé par la CFE-CGC, le récent accord national interprofessionnel (ANI) « pour un paritarisme rénové et ambitieux dans une économie en profonde mutation » sacralise le principe d’un agenda paritaire autonome construit à l’initiative des partenaires sociaux. Sur ce fondement, les organisations syndicales et patronales représentatives vont engager une réflexion sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT/MP). Après une phase initiale de réunions bilatérales toujours en cours, une première séance plénière est programmée le 11 juillet, avant une reprise des travaux en septembre.
UNE RÉALITE PRÉOCCUPANTE
Dans un manifeste publié en avril dernier, la Confédération européenne des cadres (CEC) pointe la France comme mauvaise élève. Selon les données d’Eurostat, alors que le nombre d’accidents mortels au travail a globalement diminué ces dix dernières années en Europe, il augmente en France, passant de 537 en 2010 à 803 en 2019. Le pays enregistre également le taux d’incidence le plus élevé d’Europe avec 3,53 accidents mortels en moyenne pour 100 000 travailleurs.
UNE PRISE DE CONSCIENCE INTERNATIONALE
La 110e Conférence internationale du Travail de l’OIT qui vient de se tenir à Genève s’est achevée sur une décision historique, à savoir « élever un environnement de travail sûr et sain au rang de principe et de droit fondamentaux au travail ».
UN SUJET AU LONG COURS ENTRE PARTENAIRES SOCIAUX
Depuis de longues années, les partenaires sociaux se sont emparés de cette question des AT-MP. Des concertations ont été conduites et concrétisées dans de précédents accords : deux premiers ANI en 2000 et 2007, un protocole d’accord en 2006 sur la gouvernance et, dernièrement, l’ANI de décembre 2020 « pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail », avec la particularité d’avoir été transposé dans la loi santé au travail d’août 2021.
Au demeurant, le sujet n’est pas consolidé puisque des textes règlementaires sont encore en attente de promulgation pour la déclinaison de cette loi. Les principaux irritants sont toujours les mêmes :
- Voir remettre en cause un système qui a la vertu non seulement de financer le dispositif mais aussi d’inciter la réduction de la sinistralité.
- Voir écarter certaines pathologies du tableau des maladies professionnelles pour lesquelles il existe une présomption d’imputabilité, notamment celles liées aux risques psychosociaux (RPS) au prétexte de leur caractère multifactoriel.
La CFE-CGC se tient prête à travailler ces sujets sur la base d’un diagnostic partagé, tout en faisant valoir que cette concertation ne doit pas avoir pour finalité de baisser les cotisations des employeurs calculées sur la base d’un principe immuable depuis 1945, selon la taille des entreprise et la sinistralité. Remettre en question ce principe constituerait une ligne rouge pour la CFE-CGC.
La CFE-CGC estime, de plus, que l’épure est à reconsidérer au regard de l’importance des accidents du travail non déclarés et pris en charge par l’Assurance maladie ainsi que des maladies professionnelles non reconnues car ne figurant pas dans les tableaux des MP ou pour lesquelles la voie complémentaire de reconnaissance par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (C2RMP) constitue un parcours du combattant.
Cette situation justifie la reconsidération du montant des reversements annuels de la branche AT/MP à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) sur une base qui soit en adéquation avec la réalité. Cette « sous déclaration » ne permet pas la mise en œuvre de mesures de prévention efficaces et fait perdre aux victimes une partie de leurs droits plus avantageux dans le régime AT/MP, ce qui est grave.
INSCRIRE LES PATHOLOGIES PSYCHIQUES AU TABLEAU DES MALADIES PROFESSIONNELLES
La CFE-CGC milite par ailleurs depuis des années pour une révision des tableaux des maladies professionnelles, en particulier pour y voir inscrire des pathologies psychiques. Elle souhaite, d’autre part, la baisse de 25 à 10 % du taux d’incapacité permanente partielle (IPP) pour bénéficier d’une reconnaissance par les C2RMP.
Les partenaires sociaux ont su porter ensemble la prévention comme une priorité (prévention primaire ou prévention de la désinsertion professionnelle). Le plan santé 4 constitue un autre repère qui doit guider cette négociation. La branche AT/MP doit conserver voire augmenter ses moyens humains pour assurer les actions de contrôle et de prévention qui lui incombent (CARSAT, INRS).
Pour la CFE-CGC, ces travaux paritaires doivent aussi être l’occasion d’améliorer la réparation de certaines pathologies avec préjudice professionnel majeur et de réaffirmer l’importance du rôle des partenaires sociaux dans le dispositif de gouvernance.
Mireille Dispot, secrétaire nationale CFE-CGC du secteur Égalité des chances et Santé au travail